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54 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de quitter leur existence actuelle. Cette formalité remplie, le magistrat leur lit les conditions qu'ils doivent accepter et qui sont si nombreuses que je n'en puis extraire que quelques-uns des points les plus importants, qui sont, en gros, les suivants :

En premier lieu, ils doivent prendre un breu- vage qui anéantira leur mémoire et le sentiment de leur indentité ; ils doivent aller dans le monde sans secours et sans volonté propre ; tirer au sort leur caractère avant de s'en aller, et l'accepter quel qu'il soit, à tout hasard. Ils n'ont pas non plus le droit de choisir ce corps qu'ils désirent tant; ils sont simplement donnés en partage, au hasard et sans appel, à deux personnes qu'ils doivent se charger de trouver et d'importuner jusqu'à ce qu'ils se soient fait adopter par elles. Quelles seront ces personnes: riches ou pauvres, bonnes ou méchantes, saines ou malades, on ne peut pas le savoir. En somme, ils doivent se confier pour de nombreuses années aux soins de gens dont la bonne constitu- tion et le bon sens ne leur sont nullement garantis.

Il est curieux de lire les avertissements que les plus sages d'entre eux donnent à ceux qui songent à changer d'existence. Ils leur parlent comme nous parlerions à un prodigue, et avec à peu près autant de succès.

" Naître, leur disent-ils, est une trahison, un crime capital, dont le châtiment peut fondre sur vous à n'importe quel moment après que la

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