Page:NRF 14.djvu/664

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

658 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mes patins ; et rien n'était plus amusant et plus étrange que de glisser ainsi muettement dans les allées du grand jardin, entre deux hautes banques de neige. Depuis, il n'a plus fait d'hiver pareil.

Je n'avais de véritable amitié pour aucun des deux Jardinier. Jules était trop âgé ; Julien d'une rare épais- seur. Mais nos parents qui, pour l'amitié, semblaient avoir les idées de certaines familles sur les mariages « de raison », ne manquaient pas une occasion de nous réunir. Je voyais Julien déjà chaque jour en classe ; je le retrouvais en promenade, au patinage. Mêmes études, mêmes ennuis, mêmes plaisirs ; là se bornait la ressem- blance ; pour l'instant, elle nous suffisait. Certes, il était sur les bancs de la neuvième quelques élèves vers qui plus d'affinité m'eût porté; mais leur père, hélas, n'était pas professeur à la Faculté.

Tous les mardis, de 2 à 5, l'Ecole Alsacienne emme- nait promener les élèves (ceux des basses classes du moins) sous la surveillance d'un professeur, qui nous faisait visiter la Sainte-Chapelle, Notre-Dame, le Pan- théon, le Musée des Arts et Métiers — où, dans une petite salle obscure, se trouvait un petit miroir sur lequel, parun ingénieux jeu de glaces, venait se refléter, en petite tout ce qui se passait dans la rue ; cela faisait un tableautin des plus plaisants avec des personnages animés, à réchelle de ceux de Téniers, qui s'agitaient; tout le reste du musée distillait un ennui morne; — les Invalides, le Louvre, et un extraordinaire endroit, situé tout contre le parc de Montsouris, qui s'appelait le Géorama Universel : c'était un misérable jardin, que le propriétaire, une espèce de lascar, vêtu d'alpaga, avait aménagé en carte

�� �