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SUR L'INTRODUCTION A LA MÉTHODE DE LÉONARD DE VINCI
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Déjà dans l’Introduction de 1894, nous rencontrons ce texte bien significatif : « Le secret — celui de Léonard comme celui de Bonaparte, comme celui que possède une fois la plus haute intelligence — est, et ne peut être que dans les relations qu’ils trouvèrent — qu’ils furent forcés de trouver — entre des choses dont nous échappe la loi de continuité. Il est certain qu’au moment décisif, ils n’avaient plus qu’à effectuer des actes définis. L’affaire suprême, celle que le monde regarde, n’était plus qu’une chose simple — comme comparer deux longueurs ». Tout ici — le choix des termes aussi bien que le point de vue adopté — décèle un esprit soucieux de ne devoir le réglage de sa pensée qu’à des disciplines de type scientifique et plus particulièrement mathématique. La science a pour objet l’étude des relations ; elle établit des rapports, en effectue la mesure, et en dégage la loi — la loi, pointe extrême de son royaume, — limite de son pouvoir, — symbole, mais qui chez le vrai savant se sait être tel. Dans ce monde où nulle idole ne subsiste sinon cette « Rigueur Obstinée », l’ « Hostinato Rigore » qui constituait la devise de Léonard de Vinci[1], l’esprit

  1. Si dans ces quelques pages sur l’Introduction à la Méthode de Léonard de Vinci, je ne fais nulle allusion à Léonard lui-même, c’est que, du propre aveu de M. Valéry, Léonard n’est ici qu’un prétexte, — la figure idéale que construit Valéry des possibilités de l’esprit humain, le lieu en quelque sorte abstrait où elles viennent toutes converger, chacune d’elles étant poussée à sa plus extrême limite. Dès 1894, M. Valéry s’exprime très clairement sur ce point : « Un nom manque à cette créature de pensée, pour contenir l’expansion de termes trop éloignés d’ordinaire et qui se déroberaient. Aucun ne me paraît plus convenir que celui de Léonard de Vinci. Celui qui se représente un arbre est forcé de se représenter un ciel ou un fond pour l’y voir s’y tenir. Il y a là une sorte de logique presque sen-