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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mais passionnément, la précision ». Mais l’emploi en est différent.

Il ne saurait ici être question d’aborder de biais la poésie de Valéry, — sujet qui se suffit à lui-même et auquel ne convient que l’approfondissement ou le silence ; il semble bien néanmoins que, la contrainte de la forme poétique venant se surajouter à « ces gênes bien placées », à toutes ces autres contraintes qu’en son travail l’auteur suscite, multiplie à plaisir, — la précision dans le vers de Valéry, de par la position, la détente, la densité explosive de chaque mot, — de par l’acuité et la justesse des associations lointaines, — prenne un degré de visibilité qui risquerait presque d’être trop fort si la précision n’était contrebalancée par cette musique toujours perçue, cette mélodie inhérente à chaque strophe, qui investit la pièce entière d’une majesté traversée de douceur en présence de laquelle nous nous sentons tout à la fois graves et comblés. Or, dans l’assemblage voulu par Valéry prosateur, l’effet auquel tend l’artiste est au contraire un effet d’invisibilité : il consiste en un ajustement si étroit des parties qu’il devienne impossible de déceler le point où l’une d’entre elles passe dans l’autre ; il s’agit de supprimer à l’œil non seulement le ciment qui rend possible la soudure, mais encore la soudure elle-même. La valeur particulière de cet idéal d’une prose invisible telle que la conçoit M. Paul Valéry, vient de ce que bien loin d’être obtenue au détriment de la précision, c’est la précision au contraire — ordonnatrice de la prose de Valéry au même titre que de ses vers — qui est la condition même de cette invisibilité supérieure. À cet égard, comme à tant d’autres la confrontation de Note et