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Page:NRF 14.djvu/699

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SUR L’INTRODUCTION A LA MÉTHODE DE LÉONARD DE VINCI
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Digressions de 1919 avec l’Introduction de 1894 fournirait plus d’une indication précieuse à un analyste du style, — je veux dire à l’un de ceux pour qui le style représente la seule voie d’accès un peu sûre par où s’introduire au cœur même de la place. Nous ne pouvons ici qu’amorcer la question ; peut-être cependant certaines nuances deviendront-elles d’elles-mêmes sensibles rien qu’en mettant côte à côte deux textes — le premier de 1894 — le second de 1919 — et pour que l’expérience apparaisse plus décisive, je choisis deux passages qui sont comme deux états d’un même portrait de Léonard de Vinci :

« Je me propose d’imaginer un homme de qui auraient paru des actions tellement distinctes que si je viens à leur supposer une pensée, il n’y en aura pas de plus étendue. Et je veux qu’il ait un sentiment de la différence des choses infiniment vif, dont les aventures pourraient bien se nommer analyse. Je vois que tout l’oriente : c’est à l’univers qu’il songe toujours, et à la rigueur. Il est fait pour n’oublier rien de ce qui entre dans la confusion de ce qui est : nul arbuste. Il descend dans la profondeur de ce qui est à tout le monde, s’y éloigne et se regarde. Il atteint aux habitudes et aux structures naturelles, il les travaille de partout, et il lui arrive d’être le seul qui construise, énumère, émeuve. Il laisse debout des églises, des forteresses ; il accomplit des ornements plein de douceur et de grandeur, mille engins, et les figurations rigoureuses de mainte recherche. Il abandonne les débris d’on ne sait quels grands jeux. Dans ces passe-temps, qui se mêlent de sa science, laquelle ne se distingue pas d’une passion, il a le charme de sembler toujours penser à autre chose… Je le suivrai se