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SUR UN « SYSTÈME DES BEAUX-ARTS » 843

grandes que soient ses faiblesses, la critique présente au moins cet avantage de ramener l'attention sur les œuvres au lieu de la détourner. Il est vrai que ses jugements, même déguisés sous le titre de simples impressions, s'inspirent le plus souvent d'une esthétique latente ; une doctrine moins confuse et plus clairement avouée la garderait mieux des inconséquences. Oui, mais alors elle n'échapperait pas aux pièges d'une logique abstraite. Juge ou législateur^ il faut choisir ; si les rôles sont con- fondus, le soin d'arrêter des maximes fausse l'appréciation des cas singuliers- En matière de goût, les principes rendent suspectes les raisons.

Sans doute il y aurait place pour une certaine esthé- tique, même si la critique ni l'art ne lui demandaient leurs directions. Par delà toutes questions d'espèces, les conditions générales du beau posent un problème à la pensée : pourquoi nier l'intérêt d'une recherche philoso- phique visant à rattacher lart, comme toute autre acti- vité, aux lois de la nature sociale et à la vie totale de l'esprit.^ Même quand elles deviennent franchement hasardeuses, comme dans le système de Hegel, ces spécu- lations ont leur prix. Mais la pratique doit-elle s'en inspirer? Ce que l'on conteste, c'est l'existence d'une discipline assez exacte pour guider, fût-ce de loin, la pro- duction de l'artiste et les choix de l'amateur.

L'esthétique expérimentale, qui opère en laboratoire, prétend au nom de science. En fait, pour chacun de nos sens, elle fixe avec certitude quelques conditions de plaisir élémentaires que tout praticien gagnerait à connaître, encore qu'il puisse les deviner. Mais ces conditions, en tout art, ne jouent qu'un rôle subordonné; car elles

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