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844 ^A NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

doivent céder sans cesse aux exigences de l'expression. Plus féconds seraient les enseignements d'une esthétique comparative bien appuyée sur l'histoire, sur l'analyse des œuvres et sur les témoignages des artistes. Mais elle veut être une science encore. Comme telle, par soumission aux faits, elle ne devra tenir compte des œuvres qu'en proportion de leur succès constaté ; puis, à mesure qu'elle étendra le champ de ses comparaisons, les for- mules qui les résument devront être toujours plus vagues, pour échapper au reproche d'arbitraire. Ainsi je crains qu'un vrai scrupule scientifique n'entraîne ici l'effacement des valeurs, l'insignifiance des conclusions. Au sujet du beau, cet excès de prudence est ce que nous pardonnons le moins. Mieux vaut le ton décidé d'un Stendhal : ses erreurs mêmes, parce qu'elles sont franches, fouettent le sang, éveillent les idées. Sans doute, une théorie du beau nous promet autre chose qu'une série de boutades. Mais la personnalité pourra-t- elle jamais s'effacer d'une étude qui prend pour objet des joies consenties et préférées ? L'entreprise comporte une part d'aventure, qu'on doit accepter simplement. Car il ne s'agit pas de croire, mais de mettre une doctrine à l'essai. Un homme nous la propose. Pour mériter qu'on l'écoute, il faut que cet homme ait tâché de surmonter, par la culture, ses habitudes et préjugés strictement individuels ; il faut que ses expériences soient larges, libres, non bornées par une prévention de chapelle ou d'école. Mais il faut aussi qu'il sache prendre ses risques et qu'ayant marqué d'abord, par tâtonnements sincères, les points qu'il croit soustraits au doute, il ose les relier enfin par un tracé simple et hardi. ^

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