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LE NÈGRE LÉONARD ET MAITRE JEAN MULLIN 88 1

jusqu'à la Croix-Cochard. Katje, vêtue ainsi qu'une demoiselle, m'attendait à la gare accompagnée d'un ado- lescent nommé Pilate, le jeune Pilate. Celui-ci muni d'une brouette chargea mon bagage. C'est ainsi que salué par les rares passants je retrouvai ma maison, Katje, Nouni et Kasper, mes braves petites bêtes.

Katje était sincèrement heureuse de me revoir. Elle battait des mains et m'entourait d'une joie bruyante qui me tenait dans une fureur d'autant plus insupportable qu'elle était injustifiée.

Je fus vingt fois sur le point de la faire taire avec des paroles amères et définitives.

— Vous n'êtes pas gai, mon maître. Avez-vous fait un bon voyage ? C'est une jolie ville que Francfort ; ma sœur habitait sur le Zeil un an avant la déclaration de guerre.

Je la laissai bavarder, résigné, sans défense. Les choses et les gens me décourageaient profondément, et mon voyage...! A cette pensée je sentais le sang me monter aux tempes, comme une agression.

Pendant quelques jours la présence de Katje me fut odieuse. Enfermé dans mon studio je remplissais des cartouches que je sertissais ensuite avec rage.

Puis la Flamande me reprit dans ses lacs. Elle connut de nouveau le chemin de ma chambre, la nuit, alors que les chiens se répondaient de ferme en ferme.

— Et Léonard, le nègre ? lui demandai-je un soir. Katje me regarda en souriant. Elle était assise sur le

ht et fumait une cigarette.

— Il va bien ? insistai-je.

— Mais oui, Maître Jean Mullin également. Tous

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