^26 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Précisons ce que nous entendons par langage plastique : Les peintres dits primitifs doivent leur beauté reposante à ce que nulle ligne du tableau n'est en désaccord avec l'archi- tecture ambiante. Avant de considérer Tobjet qu'il veut représenter, le peintre primitif regarde les cintres, les colonnes, les moulures qui entoureront son œuvre. L'œil •empli de ces formes initiales, originelles, il discernera dans la nature des formes fraternelles, et chaque trait qu'il tracera sera en quelque sorte la répercussion, sur le panneau, des lignes architecturales composant l'édifice à orner. Les res- sources du modelé, du clair-obscur même, viendront ensuite rompre ce que ces lignes pourraient avoir de trop strictement géométrique ; les détails réalisés viendront humaniser ce lan- gage abstrait et par leur éloquence familière intensifier le plaisir plastique pur, en celant au spectateur les origines de ce plaisir. Les grands peintres primitifs sont comme des ora- teurs qui, ayant à dire des vérités essentielles, en dissimule- raient l'austérité sous un flot de considérations accidentelles. De ce point de vue, on ne peut dire que Raphaël soit supérieur aux primitifs : il demeure leur égal en élargissant le champ de leurs préoccupations et c'est en ceci justement que consiste le miracle. Alors que chez Michel-Ange, pour ne citer qu'un exemple, la gesticulation brise l'articulation interne de la composition, renverse les parois de ce t'cmple imagé que doit réaliser l'œuvre peinte, chez Raphaël, au contraire, on voit clairement les personnages s'adosser aux murailles imaginaires de ce temple inexistant et cependant visible ; on voit les gestes, au lieu de vibrer dans le vide, s'appuyer sur des lignes fictives, et il n'est pas jusqu'aux plis des vêtements flottants qui ne s'inscrivent dans une arabesque solide. La délimitation par l'attitude humaine de la cons- truction intérieure est chercliée ici avec un tel soin que si un bras tendu, par exemple, est impuissant à lui seui à l'obtenir, un second personnage, participant à l'action du premier, se
�� �
