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gent tout doucement de leur sens individuel, puis de leur solidarité logique, pour simplement finir, s’étant rejoints ailleurs, par éclore, par naître à plusieurs. Mais enfin, dans cette acception, ils cessent d’être des signes ; la valeur qu’ils reçoivent est d'un ordre post-intellectuel. Ce qui détermine leur apparition, c’est désormais uniquement leur parenté intérieure avec tel ou tel aspect du sujet. Ils ne viennent plus que sur son injonction, que sous sa poussée, et pour lui composer une figure nouvelle, étrangère[1]. Le danger est immense. Car la ressemblance de l’un ou de l’autre avec le sujet ne pouvant être appréciée que par celui-ci, rien n’empêche qu’elle soit reconnue dans tous les cas. Et en effet, au fond, elle existe dans tous les cas. Même si on ne l’aperçoit pas. Tout mot, du moment qu’il est proféré, ou seulement envisagé par l’esprit dans un éclair, a une relation avec lui. Tout mot, puisqu’il est venu à la pensée, l’exprime, car rien d'autre ne peut l’y avoir amené, que son aptitude précisément, même si elle reste incompréhensible, à l’exprimer. Tout mot donc est justifiable, est expressif, arrivant après n’importe quel autre, présenté sous n’importe quel jour, révélant n’importe quoi.

Ici encore Dada a vu juste et profond. Ici encore il a

  1. Ils deviennent de simples effets. Il faut voir avec quelle promptitude ils suivent, il ne faut pas dire la pensée, mais la personne de Rimbaud par exemple. L’obéissance est tout ce que le poète leur demande. Des lignes se dessinent dans l’espace, des chemins insaisissables se déclarent où ils n’ont qu’à se précipiter ; ils recueillent dans l’instant mille directions ; ils sont précis et inutiles comme l’éclair.