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raison en concluant au néant linguistique, comme il avait conclu déjà au néant psychologique. Sa démonstration est parfaite. Il peut encore ici nous défier, du moment que nous avons accepté que l’écrivain s’adonne à son seul accomplissement, de mettre en avant quelque principe que ce soit qui interdise le complet bouleversement du vocabulaire et les incohérentes processions de mots auxquelles il s'amuse. »

Que l’on veuille bien ne pas me supposer, en présence de tous les ravages de Dada, dans un état d’indignation ni de fureur que je cacherais. Quelques mots que j’ai dits tout à l’heure ont fait croire peut-être que la cause de l’art m’était sacrée, comme on dit, et que j’allais, pour finir, me déclarer son champion, brandir un glaive d’archange. Ce n’est pas tout à fait cela. L’Art et la Beauté ne sont pas pour moi des divinités et je n’éprouve aucune révolte contre leurs iconoclastes. Avouerai-je même que je prends plus de plaisir à les voir méprisés qu’encensés, et que rien ne m’agace autant que les majuscules dont on les décore ?

Je suis au contraire assez sensible à cette extrême modestie, à cette incompréhension de toute grandeur humaine qu’André Breton souligne, à la fin de son article, comme une des vertus de Dada. Je les préfère en tous cas infiniment à la suffisance sacerdotale de tant de littérateurs manqués. Je me sens très près du sentiment délicat et tragique, de la pudeur désespérée qui poussent le même André Breton à s’écrier : « Il est inadmis-