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TOUTES CHOSES ÉGALES d'aILLEURS... 375

taine, la place de la ville avec ses maisons à colonnades et les passants perdus dans cette petitesse. Remarque encore, ô bel amant, qu'au cours de ce morceau d'élo- quence, ce qui nous entoure a pris l'aspect que lui prêtaient mes paroles. Le décor où se meut notre sensi- bilité commune se croit dans l'obligation de se plier à notre vision du monde. Voici que nous nous trouvons, comme des partenaires, perdus dans l'île de Robinson. Les autres hommes et les villes et les palais sont à de telles distances qu'il ne vient pas à Tesprit d'y songer. Il ne reste plus à nos pieds qu'une palmeraie géante que la perspective atténue à n'en faire qu'un bouquet d'herbe. Pour simpHfier le paysage, il suffit de nous rapprocher. Mais à ce moment de la danse, un nouveau sens inter- vient dans l'imagination que nous nous faisons de l'autre. Le di\-in toucher bouleverse nos représentations. Laissons durer ce point extrême du désir. Nous commençons à nous connaître, avec lenteur, immobiles, craignant de perdre le pouvoir d'éterniser nos jeux, d'anah^ser nos corps et de damner nos âmes. Tremblant émoi de cet arrêt mutuellement consenti qui nous épuise sans nous vaincre. Un instant semble nous suspendre. Mais dans la courbe de mon bras, au pli du coude, à peine bleue, tu aperçois une étoile tatouée, signe mystérieux qui t'attire vers moi. Tu as bougé, le charme est rompu, je ne peux plus attendre, ni toi-même. Appuie tes lèvres sur le signe, rouges sur bleu, et serre-moi. Murmure encore avant de me saisir le nom que j'aime dans l'amour : Lulu. Mais qu'attends-tu maintenant que ma tête est renversée, et mes cheveux. Ah prends tes aises. «  Docilement je me conforme aux enseignements de

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