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Page:NRF 15.djvu/566

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de son cou un foulard amidonné, simple et éclatant de blancheur. Véronique et Eliane sont dans leur deuil coutumier. Elles n’ont pas regardé leur mère pour disposer tout de même leurs mains comme elle, sur leurs genoux. Prisca porte un corsage de satinette rose. Dans ses cheveux étincelle Tunique bijou qui reste aux Pincengrain.

Mesdames Pincengrain se taisent. Prisca essaie de les préparer à la visite de Godichon et de sa mère. Elle dépeint celle-ci fantastique d’inconvenance et de vulgarité, faite comme pour signifier ce qui peut leur déplaire le plus au monde.

Prisca reste bien au-dessous de la réalité dans les poétiques exagérations qu’elle imagine sur un être inconnu. Entre Madame Godichon. Elle habite la province. Son voile de veuve, loin d’elle flotte, quand elle marche, et les volants antiques de sa jupe de moire font un bruit de fougères sèches dans le vent d’automne. Il faut qu’elle donne de grands éclats de sa voix, qu’elle s’accompagne d’un geste encore plus surprenant, sans qu’elle ait rien à dire. Voilà qu’elle se lève pour donner la comédie de ce qu’elle raconte ? C’est le mouvement perpétuel, une machine parlante. Elle éclabousse de salive les visages, bouleverse de la main les meubles, les objets, les membres qu’on expose encore assez loin d’elle. N’ouvre-t-elle pas l’armoire de Madame Pincengrain, pour lui dire que celle de son fils est en désordre ? Elle soulève le jupon de Véronique pour affirmer que celui d’une Godichon est de soie, de la balayeuse au corselet.

Quand la Godichon est entrée, Prisca s’est avancée vers elle. Les trois Pincengrain se sont élevées pour se