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6oé LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de psychologie mondaine un peu superficielle commeYËven- îail de Crêpe, des études posées et profondes d'âme enfantine comme Le Reste est silence, des constructions sûres et solides de caractère comme Fumées dans la Campagne, des fantaisies comme Vlncertaine, des suites de dialogues d'une belle tenue comme Au-dessus de la Ville. Si on voulait chercher un caractère commun à toutes ces œuvres dénature fort diverse, on le trouverait peut-être dans un ton général d'intelligence et de réflexion. L'auteur est de ces romanciers qui sont capa- bles, comme M. Paul Bourget ou M. Louis Bertrand, d'excel- lente critique, et cette présence de l'esprit critique (ou plutôt d'un esprit de la critique, ce qui n'est pas la même chose) se sent dans leurs productions, leurs constructions, leurs person- nages comme les éléments chimiques d'un terrain dans les plantes qui y poussent. Avec des qualités différentes et une réussite inégale, ils prennent leur sujet du dehors plus que du dedans, valent par des mérites de dessin plutôt que par des inventions de lumière et de couleur, lorsque cette probité du métier est servie par la trouvaille d'un sujet favorable, au milieu d'oeuvres honorables ou curieuses, ils arrivent une ou deux fois — ou plus souvent — à réaliser dans sa plénitude le chef-d'œuvre que leur nature et leur travail comportaient, M. Edmond Jaloux est parvenu au moins deux fois à cette réussite, avec Le Reste est silence et Fumées dans la Campagne. Ce sont des œuvres d'une science, d'une mesure irrépro- chable, et dont la pureté de lignes comporte une résonance musicale longtemps prolongée. On y retrouve l'élégance, la science de composition, la mélancolie harmonieuse et douce de certains romans de Tourgueniew. C'est le travail d'un écrivain ingénieux, attentif, qui pour nous émouvoir a besoin de précautions, de silences, de développements, de durée. Aussi le roman lui convient-il mieux que la nouvelle, bien qu'il y en ait une ou deux de fort agréables dans le Boudoir de Proserpinc.

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