Page:NRF 15.djvu/818

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

8l2 LA NOUVELLE REVUÈ FRANÇAISE

repli d'intestin où se formaient les vapeurs peccantes et prescrivit le port d'une ceinture orthopédique de cent , cinquante francs, à commander chez son cousin le ban- dagiste, pour prévenir mon ballonnement. J'ai porté quelque temps, il me souvient, cet appareil ridicule qui gênait tous mes mouvements et avait d'autant plus de mal à me comprimer le ventre que j'étais maigre comme un clou.

Les palmiers d'Hyères ne me ravirent point tant que les eucalyptus en fleurs. Au premier que je vis, j'eus un transport ; j'étais seul ; il me fallut courir aussitôt annoncer l'événement à ma mère et à Anna, et comme je n'avais pu rapporter la moindre brindille, les frondai- sons fleuries restant hors de prise, je n'eus de cesse que je ne les eusse amenées toutes deux au pied de l'arbre de merveilles. Anna dit alors :

— C'est un eucalyptus ; un arbre importé d'Australie. — Et elle me fit observer le port des feuilles, la disposi- tion des ramures, la chute del'écorce...

Un chariot passa ; un gamin haut perché sur des sacs cueillit et nous jeta un rameau couvert de ces fleurs bizarres qu'il me tardait d'examiner de près. Les boutons couleur vert-de-gris, que couvrait une sorte de pruine résineuse, avaient l'aspect de petites cassolettes fermées ; on aurait cru des graines, n'eût été leur fraîcheur ; et soudain le couvercle d'une ces cassolettes cédait, sou- levé par un bouillonnement d'étamines ; puis le cou- vercle tombait à terre, les étamines délivrées se dispo- saient en auréole ; de loin, dans le fouillis des feuilles coupantes, oblongues et retombées, cette blanche fleur sans pétales semblait une anémone de mer.

�� �