RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 929
la famille chez Lamartine, sentiment de la patrie chez Hugo, goût du bon sens chez Alfred de Musset, religion de l'amour chez George Sand, — tous sentiments positifs qui élèvent le ton vital de l'homme. A partir de Flaubert, l'insurrection de l'individu contre la société devient chez le romancier plus ardente, plus totale, plus acharnée, mais, au contraire du romantisme, elle correspond à une dépression vitale chez l'artiste et elle a pour effet de produire la mcme dépression chez le lecteur. Pour effet, non pour but. Le but est la pureté, l'absolu de l'œuvre d'art, l'évangile de Gautier et de Baude- laire qui forme plus ou moins liaison du romantisme au réalisme et assurera plus tard, avec Remy de Gourmont par exemple, la même liaison du naturalisme au symbolisme. Le critique qui par profession, ou par devoir, ou simple- ment par conformité avec la nature des revues et des jour- naux par lesquels il peut atteindre le public, a le goût et le sentiment d'une fonction morale des. livres, se trouve naturel- lement à l'état de défiance et de défense contre cette littéra- ture. Et il serait absurde de l'imaginer dès l'abord louée, comprise, encouragée par une critique liée de tant de côtés à l'enseignement, à la formation d'un esprit public. Les natu- ralistes ont été les meilleurs romanciers de leur temps, et le Roman Naturaliste de Brunetière demeure un livre de critique excellent, loyal et qui devait être écrit : le mot de La Bruyère conserve une vérité permanente.
Une seconde raison justifiait la révolte, la mauvaise volonté et la mauvaise humeur de la critique. Le mouvement réaliste n'était pas limité à la France. Il transformait en même temps le roman anglais avec George Eliot. Et Eliot lui donnait une figure bienfaisante, constructrice, fortifiante qui contrastait absolument avec cette pente où le menaient Flau- bert, les Goncourt, Zola, Maupassant, celle d'une énergie, d'une société, d'un pays qui se défont. De là le transfert à la littérature d'un lieu commun politique qui, de Montesquieu k
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