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930 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Taine et à M. Bourget, a exercé chez nous une si grande action : la comparaison de l'excellence et de la solidité anglaises avec les malheurs et les défauts de notre caractère, de nos institutions, de notre histoire.

En troisième lieu le naturalisme n'eut pas ce qu'avait eu le romantisme et ce qu'allait avoir le symbolisme, une critique à lui. Victime de la critique officielle, il en chercha une autre et ne la trouva pas. Zola, qui avait parcouru les livres de Taine à la librairie Hachette quand il y était commis (une de ses rares lectures) avait pensé offrir cette place à Taine en se proclamant son disciple. Le philosophe déclina ce rôle de cornac, et regarda le prétendu disciple à peu près de l'œil dont un professeur de rhétorique se voit écouté par le gar- çon qui porte dans les classes le cahier d'absences. Le lance- ment d'un contemporain ne lui avait d'ailleurs pas réussi avec Hector Malot, et sa vieillesse considérait tous les romanciers de son temps, y compris Paul Bourget, comme des malades. N'ayant pas trouvé ce qu'il cherchait, Zola se déclara le critique du naturalisme, comme le père Ubu, brouillé avec les magistrats, rendra lui-même la justice. Il gagna dans ces fonctions beaucoup de ridicule, et ses quatre ou cinq volumes ineptes sur ce chapitre demeurèrent toute la somme de la critique naturaliste. Le public se trouva donc placé devant les œuvres naturalistes sans présenta- tion, sans médiateur intellectuel. Cela amena les naturalistes à chercher le succès par des moyens directs, à atteindre le public et non la critique, à demander des succès de quantité plutôt que de qualité.

La manière dont ils s'y prirent ne leur concilia pas les honnêtes gens. N'ayant à la bouche que les intérêts de l'art, ils extorquèrent ce succès de la façon la plus grossière. La course à la vente fit tomber Zola dans le mépris, jusqu'au moment où l'affaire Dreyfus, dans laquelle il se conduisit avec l'orgueil naïf d'une nature italienne (ses manifestes sont de

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