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LES REVUES I27

En tous temps le public s'est nourri de romans ; mais les beaux esprits ne prenaient pas ceux-ci au sérieux ; d'ailleurs les romans n'avaient g^ère de prétention et c'est un fait qu'il en est fort peu que l'histoire de notre littéra- ture ait retenus. Depuis un siècle, tout au contraire. Et ce qui caractérise le mieux notre esthétique romantique, c'est ce triomphe dans l'opinion publique de l'imagination romanesque sur l'imagination idéologique. Si Chénier, si Chateaubriand débutaient de nos jours, ce ne seraient pas de grandes démons- trations historico-philosophiques qu'ils se proposeraient d'écrire en prose : ce seraient de grands récits. Comme on voyait jadis les esprits les mieux faits pour raisonner, les mieux doués pour représenter la vie concrète, — un Jean- Jacques Rousseau, par exemple, — s'adonner à la « philosophie », on voit à présent une foule d'écrivains qui peut-être auraient du talent pour des mémoires, des chroniques, des épitres, que sais-je ? bref pour cultiver les genres qui ont f;ut durant des siècles la gloire des lettres françaises, on les voit perdre leur temps à créer, selon les formules connues, des personnages plus dénués de vie que les ombres qu'évoquait Ulysse, ou à rapporter sans y rien changer, par impuissance, leurs petites histoires d'amour ou de famille avec une exactitude déshonorante. C'est qu'ils cèdent à la mode, déesse impé- rieuse, comme y cédaient d'ailleurs, en un sens contraire, leurs prédécesseurs. Il y aurait un joli essai à écrire sur le snobisme intellectuel.

��L'Imprimerie gourmontienne a pam. Ce premier numéro du Bul- letin, consacré à Rémy de Gourmont par son frère et par ses amis, est émouvant et fin. Il contient des lettres de Gourmont, des articles de Rachilde, Rouveyre, Jules de Gaultier ; et de Paul Fort, ce poème :

Comme on éprouve argent, w Imicbcs, au grain

d'une pieiTe de touclye^ Il éprouvait tout, la Beauté, Pan, Dieu, Saint Paul

(ou Sainte Tbècle) Amours, langage et « vérités » — au plus fin sourire du

siècle.

��Les Cahiers d'aujourd'hui et la Vie des Lettres reparaissent.

La Minerve française cesse de paraître.

La Connaissance (novembre) a recueilli des lettres inédites de Ver- laine ; l'EsPRiT nouveau donne un Lipclnt:^, de Paul Dcrmée, et le début d'un roman de Knut Hamsun : La Reine de Saba ; la Revue Hebdomadaire a publié en novembre un roman d'Edmond Jaloux, des nouvelles de Paul Morand, André Salmon, et Alexandre Arnoux, un poème de Lucien Fabre ; la Revue de Paris fait succéder au roman d'Alexandre Arnoux un roman de Jean Giraudoux : Suianiie et le Pacifique.

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