Aller au contenu

Page:NRF 16.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l66 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

les victimes de l'autodafé ! Ah les imbéciles qui peignent des croix rouges sur les vulgaires sanbenitos sont moins à plaindre que moi ! Je suis le plus grand supplicié de la Sainte-Inquisition.

— Quand cette damnée mascarade aura traversé la place, murmura Mac Graw, nous laisserons le peintre à son art. Puis, si Dieu le permet, nous rejoindrons George Merry, et nous fuirons cette terre où la fièvre, comme une divi- nité païenne, se ba-igne dans toutes les fontaines.

— Cette ville a l'air d'une énorme pièce de monnaie en cuivre surchauffée, ajouta Pew. » Il fit clacfuer sa langue, car autour de nous l'air sentait le cuivre chaud avec, par intervalles, par bouffées, l'odeur de la fumée de bois et de la charir grillée.

— Vous divaguez, fit Poisson-Rouge interrompar:^ le cours de ses songes... vous divaguez, je crois et vous trem- blez... D'où venez-vous donc... avec cette langue épaisse, CQs yeux ourlés d'ecarlate et cette exaltation des moindres sentiments devant les spectacles de la nature ?

— Allons, calme-toi, Poisson-Rouge. Souviens-toi du vieux temps à Londres, quand tu buvais du punch à l'urine, avec les « veuves allemandes » d€ la mère Knox, à Covent-Garden. Laisse un peu ces mômeries...

— Mômeries ! gentlemen, seigneurs ! Il ouvre la bou- che pour blasphémer. II... »

Poisson-Rouge suffoqué porta les mains à son col gonflé comme un cou de serpent. Puis il s'apaisa, frotta ses paumes l'une contre l'autre et, timidement, s'approcha de la porte.

— Gentlemen, dit le renégat, je place mes trésors sous votre protection. » Il montra les carrochas et les sanbenitos. « Je vais, de ce pas, quérir les éléments d'un festin digne de vos Seigneuries et du vieux camarade, bien qu'à la vérité je n'entende pas très clairement ses propos sur notre ancien matelotage. Je reviens. »

Il fit un pas dans la direction de la porte... un seul pas.J

�� �