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AYTRÉ QUI PERD L HABITUDE I77

sucre donnait le diabète. Par une sorte d'intimidation ; puisqu'elles disparaissent, aussitôt que je bouge, et me

reprends.

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Je ferais mieux de m'habiller et de sortir. Je me suis sur- pris hier, à table, comme je demandais à haute voix d'où venait cette tache rouge sur le riz, et me répondais aussitôt que cela tenait à la cuillère, qui avait d'abord servi pour les betteraves — ce que je savais très bien avant de parler. Alors ce n'était guère la peine — ou si c'est pour flatter Guetteloup, qui me reproche de le négliger, que je dis depuis quelques jours tant de choses inutiles.

J'ai une autre idée ; je tâche de me rappeler s'il n'y a pas deux parts à faire de l'argent de Raymonde. Est-ce qu'elle n'a pas commencé un jour à me prier de ne pas tout envoyer à la fois à son frère — qui pourrait très bien faire une folie, ne rien mettre de côté — . Attendre un mois, deux mois par exemple pour le second envoi, ce serait rai- sonnable. Ou si elle me l'avait écrit, à mon premier pas- sage, lorsque j'évitais de la voir : par exemple dans sa lettre d'après notre promenade sur le plateau, et le grand feu d'herbes sèches. Je lui ai même fait jurer qu'elle ne m'ai- mait pas, par :

Cerceau de plomb, cerceau de fer, Si je meurs, j'irai ea enfer.

Nous nous amusions comme des gosses. Et le feu qui ne prenait pas, le vent l'aplatissait à chaque coup. « S'il ne prend pas, c'est qu'il y aura du mauvais. Attention. » J'ap- portais encore des herbes. A la fin, il prend, nous sautons par-dessus : je lui dis là qu'elle devrait se marier avec Aytré — à ce qu'on racontait, ils étaient bien ensemble — qu'ils se ressemblent, tous deux un peu sauvages. Même je veux disparaître comme un génie, en tournant trois fois sur moi-même. Je crie : « Je suis venu faire votre bonheur» et

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