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NAUFRAGE DE LA « VILLE DE SAIKT-NAZAIRE » 325

très agitée et embarquait très souvent à bord, parce que nous la prenions de travers. Nous avions toujours l'espoir d'apercevoir la terre à chaque instant ; le lieutenant Hébert^ de vigie à l'avant, continuait à la deviner sans cesse. Hélas ! nous en étions bien loin ; nous sûmes plus tard qu'à ce ce moment-là nous en étions à plus de 230 milles. Mais la foi soutient le courage dans de si tristes circonstances, et nous étions toujours convaincus que nous finirions par y arriver.

Le jour, j'avais toujours confiance, mais la nuit remplis- sait notre cœur d'angoisse, avec des alternatives d'espoir. Avec la brise du Nord, la mer était agitée sans être grosse ; la baleinière marchait bien à l'Ouest ; malheureusement, comme je le disais tout à l'heure, elle embarquait fré- quemment de l'eau, tout en roulant et tanguant sans cesse. Ces mouvements continuels finirent par ébranler notre mât, qu'il fallut consolider à nouveau. Le soleil, qui paraissait par intermittence, à travers le ciel nuageux, était déjà monté au-dessus de l'horizon, quand nous nous décidâmes à réinstaller notre voilure, qui menaçait de tomber avec le mât ; à chaque fois cette opération devenait plus difficile pour nos forces épuisées et nos membres fatigués, et nous imposait un supplice encore plus grand que la faim et la soif; mais il fallait lutter jusqu'au dernier moment.,..

Nous amenâmes donc la voile et je me mis en devoir de recouvrir le pied du mât et de raidir les haubans. Le char- pentier, très faible aussi, aidait à la manœuvre de la voile, tout à fait à l'arrière du canot. Le chef mécanicien, assis sur une banquette de l'arrière, était comme l'oiseau qui va mourir sur une branche ; il n'ouvrait que rarement les yeux et à chaque instant je m'attendais à le voir tomber dans le fond du canot. Il était tout à fait inconscient et incapable d'aider à quoi que ce soit. Le lieutenant Hébert et le mate- lot Savona étaient plus à l'avant pour tenir la vergue de la voile, pendant que je coinçais le pied du mât. Que se pas- sa-t-il pendant que je faisais ce travail ? Je l'ignore. Mais

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