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390 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

VOUS bien? c'est difficile. Allez-vous nier que vous avez brisé sa vie ? si vous étiez plus méchante que vous n'êtes, vous seriez flattée d'avoir eu la puissance de briser une vie (il y a beaucoup de femmes de cette force-là) mais vous n'êtes pas méchante. Si vous étiez aussi bonne que vous prétendez l'être, vous trouveriez dans votre cœur des mots consolateurs très doux. Mais vous êtes avant tout indifférente et Dieu sait ce qu'est l'indifférence d'une femme qui n'aime plus. Et dans votre indifférence vous n'éprouvez que le besoin de démontrer votre vertu.

Passons à Charles 1 Charles n'avoue pas, Charles n'a jamais voulu avouer qu'il est sujet au mal de mer ! quand on lui a proposé aux Chargeurs Réunis une place qui nécessitait des voyages dans les cinq parties du monde Charles qui aime le drame est venu pleurer dans les bras d'Anna Bourdin en jurant qu'il ne se séparerait jamais d'elle. Anna Bourdin a caressé sa tête chauve toute émue. ^ Voilà que Charles reproche à Anna d'avoir pesé sur sa destinée : Charles est injuste. Charles dit à Anna : « Tu m'as brouillé avec ma mère pour la vie !» Il y a du vrai dans cette assertion mais très indirectement. La mère de Charles fit des obsei'vations un soir à son fils parce qu'il sortait tous les soirs après le dînei. Charles répondit qu'il n'était plus un enfant. La mère de Charles voulut emmener Charles chez les Talabardon, gens qui ont des amis députés. Charles dont Anna espérait la venue, refusa d'accompagner sa mère. Sa mère lui dit en pleurant : « Avoue-le, Charles, tu as une liaison ! — Et quand même ce serait ! tu sais bien que je ne peux me marier puisque nous n'avons que juste de quoi vivre à deux. Penses-tu que je vais vivre en moine? » Sur ce la mère de Charles se trouva mal ou presque, Charles prit la porte et vint habiter chez Anna Bourdin en attendant de « trouver quelque chose ». On voit par ce qui précède qu'Anna Bourdin n'est pour ainsi dire pas respon- sable de la brouille du plus brave homme des fils avec la plus affectionnée des mères.

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