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40 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

C'est dans la chambre de ma mère qu'elle et moi nous nous tenions le plus souvent. C'est là que nous prenions notre thé du matin. Je parle déjà de cette seconde année où. Monsieur Richard ayant réintégré le centre de Paris, je n'étais plus que son « demi-pensionnaire », c'est-à-dire que je rentrais dîner et coucher à la maison chaque jour. J'en repartais au matin, à l'heure où Marie commençait de coiffer ma mère, aussi ne m'était-il donné d'assister que les jours de congé à cette opération, qui durait une demi- heure. Maman recouverte d'un blanc peignoir s'as- seyait, bien au jour, devant la fenêtre. En face d'elle, et de manière qu'elle se pût mirer, Marie dressait une glace ovale échassière, articulée, montée sur tige de métal à trépied, qui se haussait à volonté ; un minuscule plateau rond ceinturait la tige, sur lequel peignes et brosses étaient posés. Ma mère alternativement lisait trois lignes du Temps de la veille au soir qu'elle tenait en main, puis regardait dans le miroir. Elle y vo5^ait le dessus de sa tête et la main de Marie armée du peigne ou de la brosse, qui sévissait ; quoi que fît Marie, c'était avec l'apparence de la fureur.

— Oh ! Marie, que vous me faites mal ! geignait ma mère.

Je lisais, vautré dans un des deux grands fauteuils qui, de droite et de gauche, encombraient les abords de la cheminée (mastodontesques fauteuils de velours grenat, dont la monture et la forme même se dissimulaient sous l'intumescence du capiton). Je levais un instant les yeux vers le beau profil de ma mère ; ses traits étaient naturel- lement graves et doux, un peu durcis occasionnellement par la blancheur crue du peignoir et par la résistance qu'elle opposait quand Marie lui tirait les cheveux en arrière.

— Marie, vous ne me brossez pas, vous me tapez ! Marie s'arrêtait un instant ; puis repartait de plus belle.

Maman laissait alors glisser de dessus ses genoux le journal

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