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SI LE GRAIX NE MEURT... 4I

et mettait ses mains 1 une dans l'autre en signe de résigna- tion, de cette manière qui lui était familière, les doigts exactement croisés, à l'exception des deux index, arqués l'un contre l'autre et pointant en avant.

— Madame ferait bien mieux de se coiffer elle-même ; comme ça elle ne se plaindrait plus.

Mais la coiffure de maman comportait un peu d'artifice et se fût malaisément passée de l'assistance de Marie. Séparés par le milieu, de dessous un couronnement de tresses for- mant chignon plat, deux bandeaux lisses au-dessus des tempes ne bombaient de manière séante qu'à l'aide de quelques adjonctions. En ce temps on en fourrait partout ; c'était l'époque hideuse des « tournures ».

Marie n'avait pas précisément son franc-parler — maman ne l'eût point toléré — elle s'en tenait aux bou- tades : quelques mots partis en si{fian"l, chassés d'elle par une furia comprimée. Maman tremblait un peu devant elle, et lorsqu'elle servait à table, on attendait qu'elle fût sortie pour dire :

— J'ai beau le répéter à Désirée (c'est à ma tante Claire que la phrase s'adressait), sa mayonnaise est encore trop

��vmaigree.

��Désirée avait succédé à Joséphine , l'ex-passion de Marie ; mais quelle qu'eût été la cuisinière, Marie aurait pris tou- jours son parti. Alors, le lendemain, comme je sortais avec elle : .

— Tu sais, Marie, — commençais-je, à la manière des plus vilains cafards — si Désirée ne veut pas écouter ce que lui dit maman, je ne sais pas si nous pourrons la garder. — C'était aussi pour faire l'important. — Sa mayon- naise, hier...

— Était encore trop vinaigrée, je sais, interrompait Marie, d'un air vengeur. Elle pinçait les lèvres, retenait son ire un instant, puis, quand la pression était devenue assez forte, on entendait jaillir :

— Allez ! Vous êtes des fins-becs.

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