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LES REVUES 639

l'oreille, combien de missionnaires ouvrant les sentiers d'une chapelle au Brésil ou dans l'Inde pourraient témoigner que la flamme qui les a poussés en avant, ils la tiennent de Jules Verne. Cet homme ne sut point assez poser pour arriver, et, d'ailleurs, dans chaque siècle, il n'est pas beaucoup de personnes qui soient aptes à goûter VOdyssce, ù moins que ce ne soient des enfants. Lui-même semble avoir ignoré sa gran- deur : il allait au théâtre d'Amiens chaque soir et il trouvait très drôle, dans un bal travesti, de se déguiser en cuisinier, de coiffer un calot blanc, de ceindre un torchon et de brandir une poêle. Je connaissais déjà le Voyage au coitre de la terre, mais quelques chapitres de Vingt mille lieues sous les mers, que me prêta une dame qui dirigeait les cours que suivait ma sœur, me transportèrent davantage encore. Je résolus de vivre, si je peux dire, dans une atmosphère sous-marine. Je fus sub- mergé. Le brave M. Dabas lui-même, je ne l'apercevais plus qu'à travers des ondes glauques toutes fleuries de méduses, toutes arbores- centes de coraux, toutes grouillantes de monstres. J'apportai dans l'exploration imaginaire de l'abîme une telle passion que je ressens bien aujourd'hui que c'est VEtre que je recherchais alors dans ces profondeurs. Mais j'ai dit, hélas ! que j'avais beaucoup trop négligé, dès ma huitième année, les courants qui conduisent à l'absolu. Je reconnais aujourd'hui que si j'avais apporté à la poursuite de Dieu cette frénésie qui débuta par cette fascination du gouffre merveilleux, et qui plus tard se changea en une exaltation qui touchait surtout la cime de mon cœur et que m'inspirait le pur amour des vierges, je fusse peut-être parvenu à l'extase. Mais tandis qu'en visant à Jésus-Christ je n'eusse évolué que dans une substance sans défaut, toute de lumière et peuplée d'anges, une suite de grotesques apparurent ça et là dans mon paradis sous-marin.

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PAGE D'ALBUM

La Revue de Fr.wce paraît depuis le 15 Mars ; elle a pour directeurs Marcel Prévost et Joseph Bédier, donne un roman de Pierre Benoit, et tient à la fois des Lectures pour Tous et de LA Revue de Paris. Elle a publié dans son premier numéro des poésies inédites de Marceline Desbordes-Valmores :

A LUI

La z'ois-tu, comme moi, cette étoile brillante ? Ressens-tu ma tristesse en regardant les deux ? Non ! la nuit pour moi seule est rêveuse et brûlante. Elle n'a que pour moi la douceur de tes yeux.

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