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NOTES ' 74 5

ville adopte les enfants — mais expulse Mathias quand sonne l'heure du couvre-feu. De nouveau il est seul, cette fois dénué de tout. Que peut-il attendre des hommes ? Au pied du Christ en croix, c'est son patron saint Martin, en soldat, puis la Mort belle, jeune et parée, qu'il rencontre. Celle-ci lui ouvre les portes de la gloire et sur son cadavre qui roule au fossé, la Rose, emblème de sa ville, fleurit à la place du cœur.

Ceci est une pièce ? Ceci est une pièce. Il faudrait s'entendre une fois pour toutes sur ce que peut nous donner le théâtre. A telle époque bien déterminée, je veux dire bien dessinée, telle forme d'art dramatique (et d'art tout court) s'impose d'elle- même ; on n'en conçoit pas d'autre, on n'en attend pas d'autre. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? C'est une grande force du moins. Mais notre temps ne connaît plus cette nécessité ; il n'a le droit de nous en imposer aucune. Louis XIV disait des tableaux de Téniers : « Ecartez ces magots ! » et peut-être avait-il raison. Il croyait en Poussin ; il croyait en Racine ; il apportait un goût passionné, exclusif, aux choses que créait son temps. Nous avons appris depuis un siècle à ne plus dire non à rien. Nous admirons plus de choses, trop de choses... Mais il ne nous est plus permis de déclarer : « Ceci est du théâtre et cela n'en est point. » Nous connaissons et nous aimons — à juste titre — toutes sortes de théâtre et nous savons que la pièce bien faite, au mécanisme complexe mais exactement agencé, est une invention de nos classiques, bonne pour eux, bonne encore pour nous, mais non la seule bonne et qu'il y a eu dautre part une poétique dramatique shakespearienne, une poétique dramatique médiévale, une poétique dramatique grecque, d'autres encore, que nous sommes capables, toutes, d'apprécier, d'assimiler, de suivre encore. Nous ne les mettons pas sur le même plan, ni sur le même rang ; mais peu importe. En l'absence de règles fixes, unanimement acceptées, nous avons donc à notre disposition toutes les formes possibles d'art dramatique et nous pouvons, nous devons en user. Il s'agit seulement de satisfaire aux lois fondamentales, humaines, raisonnables (loi d'unité, loi d'harmo- nie, loi de logique, loi de progression) qui sont communes en tout temps à toutes les œuvres viables. Aussi qualifierons-nous de théâtre, au même titre que le mélodrame ou que la tragédie classique avec leur intrigue serrée, sûrement conduite et déduite.

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