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78 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qu'il revient chez nous plus tard et plus malaisément que Jans le reste de l'Europe. On sait que là est aujourd'hui la cause du malentendu entre la France et une bonne partie du reste du monde, principalement l'Angleterre et rAmériquc. Evidemment cela ne peut pas durer. Le « défaitisme » n'a pas •été un danger en temps de guerre parce que la bonne et belle organisation militaire, alors valeur suprême, était là. Si le nationalisme devenait un danger en temps de paix, le devoir de l'intelligence serait sans doute de le combattre comme elle a combattu le défaitisme, de le combattre non pas tout à fait au nom de cette Conscience libre que le titre de CléranibauU orne de la majuscule réservée aux divinités abstraites, mais de cette conscience réelle, simplement humaine et chrétienne que l'humanité a eu assez de peine à acquérir et qu'elle doit encore maintenir avec peine.

Avec peine et non avec facilité. L'ennemi est en toi, nous dit justement Clérambault. Ennemie, la soif de ven- geance qui survit à la guerre : « Le sentiment de la vengeance, proclamait un de nos hommes d'Etat dans un discours où il contestait qu'il 5' eût en France une volonté de vengeance, n'est pas un sentiment français. » Une ville d'Espagne renommée pour ses bas en avait offert douze douzaines à la reine qui était de passage dans le pays. La camerera-ma3'or s'indigna fort de ce cadeau indécent': « Une reine d'Espagne n'a pas de jambes ! » déclara-t-elle aux donataires. L'éloquence officielle vit sur un fond immuable, et notre homme d'Etat répondrait ici comme dans Rny Blas : je suis camerera-mayor et je remplis ma charge. Mais nous savons qu'une reine d'Espagne a des jambes, et sujettes à entorses, rhumatismes et varices, et que le sentiment de la vengeance est une maladie naturelle à tout être humain, quelles que soient la longitude et la latitude du pays qui l'a vu naître. 11 est difficile de le maîtriser, on le peut néanmoins, et quand on est à la tète politique ou morale d'un pays on le doit absolument. VoWà. un cas précis où la « conscience libre » se mettra aujourd'hui utilement au travail pour le bien de tous. Nous servirons mieux la reine en lui offrant, en cette saison, des bas chauds, qu'en niant superbement que cette auguste personne ait des jambes, et nous sourirons des duègnes.

11 faudra évidemment contre ces duègnes des armes plus

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