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NOTES

��PAUL VERLAINE ET QUELQUES-UNS, par Albert Lantoim (Le Livre Mensuel).

M. Albert Lantoine aime les révoltés et les maudits, mais il les veut aimer d'une manière tranchée et peu commune. Parlant de Verlaine, il est partagé entre une sympathie profonde et sin- cère et le désir de contrarier l'opinion reçue. Aussi convient-il d'accueillir avec prudence, dans la collection des portraits litté- raires de Paul Verlaine, celui que trace M. Albert Lantoine, non sans verve et sans vigueur : « Ce bohème était de goût plutôt « bourgeois, très amateur de récompenses, vadrouilleur malgré « lui, par paresse et incapacité de réagir, ayant toujours la nos- « talgie d'un intérieur sans fièvre. »

Voici, touchant le chagrin qu'éprouve le poète de ne pou- voir approcher son fils, qu'on avait éloigné des exemples pater- nels, un détail intéressant : « Stéphane Mallarmé, qui était pro- « fesseur d'anglais au lycée Fontanes, avait dans sa classe le « jeune Verlaine et il complota de l'emmener avec lui en pro- « menade et de lui faire rencontrer son père — comme inci- « demment. Mais la mère chaque jour envoyait chercher « Georges au lycée, dans la crainte probable qu'il ne fit cette « rencontre, et Mallarmé eut peur, en la favorisant, de provo- « quer une plainte, et il ne mit pas son projet à exécution. »

Lorsque Verlaine sut qu'il ne fallait plus compter sur cette rencontre « il en trembla, disant : Voilà huit jours que je ne bois « pas pour ce mioche là ! »

M. Albert Lantoine qui sait gré à François Villon de sa vil- lonnerie et à Verlaine de sa gueuscrie, parce qu'il appartient à une génération nourrie dans le mépris du bourgeois, est sévère pour M. de Montesquieu, méfiant à l'égard de Barrés, et n'évo- que pas sans amertume le défilé, dans la chambre mortuaire de Verlaine, « des esthètes équivoques plus ou moins chevelus, « avec leurs amies coiffées en hommes. » Il décerne à Coppée un

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