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ON XE SAURAIT TOUT DIRE 153

Mais déjà Gaspard, Neek et Thierry faisaient chorus et la bande altérée hurlait : « De l'eau ! de l'eau ! »

L'eau demandée ne se fit pas trop attendre. Une porte s'ouvrit quelque part et rh,ôte parut.

C'était un homme de huit pieds et plusieurs pouces, tout simplement. Il portait une serpillière bleue dont la poche était de taille à engloutir deux d'entre nous. Il déposa sur la table une carafe pleine d'eau fraîche, une carafe d'une vingtaine de litres. Puis il se retira en silence. Voilà comme ils sont à Kurzras.

Vous pensez peut-être que ce fut tout pour ce soir-là. Ah bien, oui ! Comme nous manœuvrions la carafe, la porte s'ouvrit de nouveau et Raphaël poussa des cris :

— Un taureau ! Un taureau !

Pfi ! C'était le chien de la maison. Mais Raphaël n'était point à blâmer, car, de ma vie^ je n'ai vu chien si considé- rable !

Le curé vint courtoisement nous faire la conversation, cependant que nous tailladions à même une andouille large comme une cuisse. Cet ecclésiastique s'exprimait dans une langue composite faite de bas-allemand, de latin, d'espéranto et de quelques termes empruntés — Dieu me pardonne ! — à l'argot des ports méditerranéens. Il nous divertit le mieux du monde. Parfois il frappait du poing sur la table, qui ployait aussitôt les reins ; parfois il lâchait un gros rire : alors toute la masure était ' ébranlée sur sa base et les torrents du voisinage, interdits, s'arrêtaient un instant de mugir.

La joie revint et dissipa notre fatigue. Les partis récla- mèrent et obtinrent les matériaux de leur controverse courante: bière et vin blanc coulèrent à longs flots. Mais le curé s'étant décidément rangé du côté des buveurs de vin, le parti de la bière apparut, passé minuit, irrémédia- blement perdu. Il s'effondra.

C'est alors que survint la jeune et séduisante Léné, qui était, à ce que nous expliqua le curé, la ïîlle de la maison.

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