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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE Î^I

et de sentiments où s'alimente notre vie française, c'est le vigou- reux et clain.'oj'ant moraliste à l'écok de qui nous voudrions voir non pas seulement les maîtres de notre jeunesse, mais tous ceux qui ont une part de pouvoir et de responsabilité dans les destinées de notre Patrie. »

Il est certain que les doctrines réfléchies et pondérées de M. Seillière seront méditées avec profit partons ceux que préoc- cupent les problèmes politiques et moraux d'aujourd'hui. Mais je laisserai ici leur valeur pragmatique, et je m'attacherai seule- ment à quelques-unes de leurs articulations théoriques.

Toute une partie du livre de M. Gillouin est intitulée Jean- Jacques Rousseau père chi mojide moderne. La philosophie de l'histoire de M. Seillière, qui ne remonte guère au delà du xvn« siècle et qui consiste en grande partie dans l'étude des courants m^-stiques depuis Fénelon, porte principalement sur ce qu'il appelle le rousseauisme. (Ce terme est-il une excuse suffisante pour le mot dérousseaudser, que M, Gillouin emploie hardiment ? Il est vrai qu'on trouvait naguère, dans la Revue des Deux Mondes, sous la signature de M, Paléologue et un con- treseing académique, se désolidariser.') M, Gillouin, avec M. Seillière, considère Jean-Jacques comme « le véritable fon- dateur de l'ère moderne ». De sorte que toute l'histoire moderne des idées et des sentiments pourrait prendre ce titre : Rousseau, ses précurseurs et ses disciples. Ses précurseurs, ce sont Fénelon et madame Guyon, ses disciples c^est ie romantisme tout entier. On reconnaît là l'ordre d'idées dans lequel ont continué de se mouvoir MM. Maurras et Lasserre d'un côté, M. Benda de l'autre. Les différences sont cependant considérables. M. Seil- lière, qui appartient à la grande bourgeoisie libérale, traite l'histoire en moraliste plus qu'en politique. Son analyse des courants romantiques diffère beaucoup de celle de M. Lasserre, et ses jugements sont empreints d'une grande modération.

Le fait que les mêmes questions soient inlassablement agitées par tant d'écrivains, qui d'ailleurs semblent s'ignorer les uns les autres et ne se soucier Bullement de mettre leurs réflexions en commun, nous montre à quel point le cas Rousseau, le cas de la déviation Rousseau, demeure essentiel et central pour la critique contemporaine. Ce n'est pas dans les dimensions d'un article que j'en pourrais indiquer la complexité. Je voudrais

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