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rand, qu’il était marié, père de famille et que ce fut au sein de la vie domestique qu’il chanta le divin amour.

Tant au point de vue hindou qu’au point de vue musulman, Kabir fut d’ailleurs nettement hérétique. La « simple union » avec la divine Réalité, qu’il célébrait sans cesse comme le devoir et la joie de l’âme, était à ses yeux indépendante de tout rite et de toute austérité.

Aussi fut-il en butte à des persécutions. Comme il était né de parents mahométans, il échappait à l’autorité des brahmanes. Sa vie fut épargnée, mais il fut banni, sans doute vers 1495. Il erra alors à travers les villes du nord de l’Inde, continuant, comme exilé, sa prédication.

En 1518, vieux, malade, les mains trop faibles pour pouvoir jouer encore cette musique qu’il aimait tant, il mourut à Maghar près de Gorakhpur.

Une légende dit qu’après sa mort ses disciples mahométans et hindous se disputèrent la possession de son corps, ceux-ci voulant le brûler et ceux-là l’enterrer. Kabir leur apparut alors et leur dit : « Soulevez le linceul et voyez ce qu’il y a dessous. » L’ayant fait, les disciples trouvèrent en place du corps un amas de fleurs. La moitié fut brûlée par les Mahométans à Maghar, l’autre emportée par les Hindous à Bénarès.

Touchante conclusion à la vie d’un homme qui avait répandu le parfum de ses poèmes sur les plus belles doctrines des deux grandes religions.

(D’après la notice sur Kahir de M. Evelyn Underhill.)
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La version anglaise des Poèmes de Kabir a été faite par Rabindranath Tagore en collaboration avec M. Evelyn Underhill.