l’enseignement traditionnel ? Ce que nous aimons dans l’art moderne, n’est-ce pas, même, de façon expresse, ce qu’il contient de pure liberté, de trouvailles intransmissibles, n’est-ce pas sa négation de tout enseignement et de toute règle ?
Vous connaissez le développement ; il se prête à l’éloquence. Les mots de Bastilles et de Sépulcres s’y logent d’eux-mêmes, et il suffit de le reprendre pour se sentir à son tour plein d’ardeur. Mais il faut pourtant regarder les choses d’un peu plus près. Que nous a-t-on prouvé, au juste ? que l’enseignement officiel de l’art, au moins dans certains pays, n’a pas su recruter ses maîtres ni garder de la vie à ses méthodes, et aussi que toute tradition finit par connaître la vieillesse, que toute formule finit par se dessécher, donc que l’art, au cours des siècles, se trouve bien de quelques périodes d’insurrection et d’anarchie. S’ensuit-il que l’humanité doive renoncer désormais à toute espèce de tradition technique et d’enseignement de la technique ? Et d’abord que s’est-il passé, en fait, chez les artistes, depuis qu’a commencé la crise de l’enseignement officiel ?
Beaucoup d’entre eux ont continué à recevoir cet enseignement, à passer par le Conservatoire ou les Beaux-Arts, quittes, comme ils disent, à « oublier » au plus tôt ce qu’on leur avait appris. C’est là une façon de parler. Ils veulent dire qu’ils ont cessé d’être des élèves passifs, de tout admettre sans contrôle, qu’ils se réservent l’entière liberté de leurs admirations et de leurs tendances esthétiques. Il leur arrivera même de faire semblant de n’avoir rien appris. Ils auront l’air de découvrir le dessin, le mélange des couleurs, les combinaisons sonores ; un peu comme Descartes a l’air de découvrir la notion de Dieu ou celle de l’immortalité de l’âme. Ce peut être un exercice plein d’intérêt et même de profit intellectuel. Mais il va de soi que nous ne sommes pas dupes.
D’autres ont fréquenté des ateliers, des académies, des cours privés, dont l’esprit répondait plus ou moins à leurs