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320 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sur la table un coude tranquille, il a calé sa tête oblongue dans sa main et il demeure à contempler la petite scène avec un sourire heureux où les regards brillent un peu trop entre les paupières lourdes des jours d'émotion. On dirait d'une mère qui a renoncé à attirer la bienveillance sur ses infortunes personnelles et qui se console en voyant gâter son petit enfant.

Le petit enfant c'est, comme dans une féerie, le vilain gros amphibie Koro Suba.

Après le départ de tous les élèves, je me suis enfin rap- pelé la petite lettre d'Inahilé. Elle ne soupçonne pas mes griefs, et pour cause ; elle ne renferme pas d'allusion à Koro Suba, et j'entrevois mon absurdité.

Ma chère Madame,

Je vous m'excuserei de mon retard, il y a un peu de ma faute, mais il ne faut pas vous fâcher. Le service il m'a pas donné le temps pour venir déjeuner l'autre dimanche à ii heures. Si je gagne per- mission prochaine fois je vous dire\. Ce pas ma faute aussi quand je manquer quelquefois l'école, c'est malheureux seulement que j'ai pas comprendre toujours bien.

Recevez, Madame, mes meilleurs pensées et aye\ un bon souvenir d'un pauvre exilé.

La formule finale trahit une collaboration blanche, et il a tien fallu que le chagrin, le désemparement de ma victime fussent manifestes pour qu'ils inspirassent à son camarade français cette imploration digne d'une épitaphe : Ayez un bon souvenir d'un pauvre exilé.

Le doux Inahilé était remonté à l'aventure, à travers les jours de nos relations et il n'avait trouvé à se reprocher que ces méfaits : un empêchement à accepter notre invitation un certain dimanche, à suivre un autre jour l'école, à com- prendre d'autres fois la grammaire française.

En goûtant l'ingénuité de cette âme, je ne réfléchis malheureusement pas que son élan vers moi est pareil à la course que fournit sur une montée, qui la suit la voiture

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