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INAHILÉ IBATAN, TIRAILLEUR DAHOMÉEN 327

Et Inahilé est revenu le soir, parce qu'il ne pouvait expliquer son empêchement à son capitaine et parce que sans doute aussi, il lui semblait fatal qu'il revint.

A travers les arbres je l'ai vu arriver à une allure rapide, mais il n'a pas jeté son coup d'œil habituel et familier par la fenêtre ouverte du rez-de-chaussée, en passant. Il a atteint la porte sans détourner la tête, il est entré sans sourire et sans tendre la main. Deux élèves sont déjà au travail dans la salle. A côté d'eux, il se présente à mon accueil avec discrétion. Il est très beau, ainsi, debout, silencieux, son long corps engaîné dans la raideur de sa capote neuve, d'un bleu vif.

Je ne le laisse pas longtemps incertain.

— Alors, lui dis-je, tu étais fâché contre moi ?

— J'étais jamais fâché avec vous. Madame ; c'est vous qui étiez fâchée avec moi.

Je me mets à rire.

— Mais puisque je t'ai dit que non, vieux fou !

— Peut-être c'est vrai que je suis fou, mais moi j'ai tou- jours pensé comme ça.

— Enfin, je suis contente de te revoir !

Je lui ai pris la main trois fois en signe de réconciliation et il s'est prêté à ce rite avec sa tranquille douceur habi- tuelle. Je ne sens, dans le retour de sa pression, aucun excès qui trahisse de l'assurance, aucune indécision non plus qui témoigne d'une contrainte. La délicatesse de son tact, la noblesse de ses mouvements m'étonnent.

En hâte, très impressionnée, je me mets à chercher parmi les exercices au programme du jour, celui dont l'agrément conviendra le mieux aux heureuses circons- tances. Mais Inahilé a ouvert son cahier et réitère plu- sieurs fois le souhait de finir le verbe « vouloir » laissé, huit jours auparavant, en panne. J'admire l'insistant désir de reprendre, le jour du retour, la tâche que la brouille avait sectionnée. Je me plais à voir la précision tranquille avec laquelle Inahilé, dès que je l'ai permis, recoud de sa

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