42 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Podkolièssine. — Je ne puis croire encore qu'elle ait vraiment dit qu'elle me préfère à tous.
Kotchkariov. — Que dis-tu « préfère » ? Elle est follement amoureuse de toi. Un amour immense ! Quels jolis petits noms ne t'a-t-elle pas donnés ! Elle bout, littéralement ; elle bout d'amour.
Podkolièssine, Il sourit avec suffisance. — Et quels jolis petit noms, en effet, les femmes ne trouvent-elles pas quand elles le veulent !.. Frimoussette, bestiole, noiraud...
Kotchkariov. — Ce n'est encore rien ... Marie-toi ; tu verras quels beaux mots tu entendras les deux premiers mois. Mon cher, c'est à en fondre de joie...
Podkolièssine, souriant. — Est-ce possible !
Kotchkariov. — Foi d'honnête homme ! Mais assez là-dessus ; mettons-nous plutôt à l'œuvre. Parle-lui ; ouvre-lui ton cœur sur-le-champ, et demande lui sa main.
Podkolièssine. — Sur-le-champ ! Que dis-tu ?
Kotchkariov. — Il le faut, sur-le-champ !... Au reste, la voilà.
Scène XIII
Kotchkariov. — Je vous amène, mademoiselle, le sujet que voici. Il n'y a jamais eu au monde un homme plus amoureux. Dieu me pardonne, je ne souhaiterais pas une chose pareille à un ennemi...
Podkolièssine, le poussant du coude, à voix basse. — Mon cher, je crois que tu vas un peu loin !...
Kotchkariov. — Laisse, laisse faire ! (Bas, à Agâfia Tikhonovna.) Soyez plus hardie, il est très timide. Tâchez d'être plus dégagée. Remuez un peu les sourcils, ou baissez les yeux, de façon à déconcerter ce scélérat. Ou encore, montrez-lui un coin de votre épaule, et qu'il regarde !... Au reste, vous avez eu tort de ne pas mettre une robe à manches courtes. Après tout, ça ne fait rien. ('Haut'.)