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AMANTS, HEUREUX AMANTS... 537

correcte, notre entrée dans la salle-à-manger : ce n'est qu'une fois qu'elles ont été assises que les gens se sont rendu compte que deux jolies femmes étaient là. J'ai vu l'im- pression produite sur les habitués : le général, la com- tesse, le jeune seigneur écossais qui voyage avec sa jolie garde-malade en uniforme, et ce prêtre si sympathique, qui a eu la bonté l'autre jour de m'avertir que j'oubliais une revue sur ma table. Oh, elles représentaient avec beau- coup de dignité la Scala de Milan et le Conservatoire Impé- rial et Royal de Vienne 1 Bien malins ceux qui auront deviné leur profession : évidemment étrangères, et cela déroute ; et aussi évidemment habituées à la bonne com- pagnie. Je ne sais pas, mais il me semble bien que, des deux, c'était Cerri la plus agréable à regarder. Avec sa figure qui paraissait plus sombre et plus mate encore près du teint clair d'Inga. Aussi l'échancrure de son corsage : les pointes aux épaules, ne découvrant que le haut de la gorge, et la mince chaîne autour du cou, avec la médaille du couvent où elle a été élevée. Son petit air modeste ; les yeux baissés sous le beau front bombé. Piglio di Madon- nina. Les mains sont très belles. Pensé aux vers : « O bella mano... » J'aurais dû les lui réciter. Et dire que sans la connaître, brutalement, sottement. Bah, c'est fait. D'une façon ou d'une autre. Mais quelle surprise ! Je m'étais trompé en pensant qu'elle m'avait détesté à première vue. C'est seulement la façon dont les choses se sont passées. Et puis, elle en a vu bien d'autres. Tout de même, sa gen- tillesse et ses mains méritaient plus d'honneur. Lui faire comprendre que je regrette, — non ! je ne regrette pas, au contraire. Enfin, oui. N'avoir pas fait attention à ses mains avant cet instant. C'est finir par le commencement. Ainsi j'ai été plus lent que Pauline à reconnaître la grâce. Mais Pauline, tout en la sentant, n'y a pas cédé. Elle a plutôt insisté sur ce qu'il y avait de trop vif ou d'un peu sans gêne dans leur beau départ. Parce qu'elle désire trouver quelque chose à redire en elles. Son

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