566 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
par le vil matérialisme de la plus basse Europe. Dans la deuxième partie de la Bataille à Scutari, c'est la victoire de l'orthodoxie sur le Croissant dans le Balkan, le rejet du Turc vers l'Asie. Dans Rabat ou les Heures Marocaines ^ dans Marrakech ou les Seigneurs de l'Atlas, c'est l'évocation de toute l'admirable civilisation du Nord africain musulman, la vieille civilisation des Maures d'Espagne, l'historique de l'essai d'accord de l'Islam marocain et de la France tenté par le général Lyautey.
Pour le judaïsme, c'est, après Bar-Cochebas, l'Ombre de la Croix, récit de mœurs juives, le chef-d'œuvre des Tharaud ; Un Royaume de Dieu, histoire d'une communauté juive d'Ukraine menacée d'un pogrom et qui obtient la protection bientôt odieuse d'une sotnia de cosaques ; Quand Israël est roi, histoire des Juifs de Hongrie et de la révolution de Bêla Kuhn. Le judaïsme, sujet entre tous passionnant pour les deux frères, car ils y retrouvent à l'état pur une race, une religion, un idéal, se conservant à travers les massacres et les persécutions séculaires.
Enfin élargissement suprême de cette vision à grands traits du monde, les Tharaud aboutissent aux quelques sentiments essentiels qui font mouvoir l'humanité, réduite ainsi par eux au plus petit commun multiple.
A travers paysages et anecdotes, à travers différences et haines, c'est le fond commun de la nature humaine que touchent en définitive les deux explorateurs.
Après nous avoir conviés aux plus beaux voyages et nous y avoir servi de guides, nous avoir étonnés par la diversité des mœurs qu'ils nous dévoilaient, les Tharaud nous ramè- nent au bercail des sentiments les plus généraux et les plus universels.
Y a-t-il tant de grands écrivains d'aujourd'hui qui nous offrent plus et mieux ? Les Tharaud, comment ne l'a-t-on pas encore mis en lumière, sont les meilleurs de nos roman- ciers sociaux, et il faudrait même dire unanimistes en pen- sant à Un Royaume de Dieu. Ils témoignent par leur exemple
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