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SUR M. INGRES

��Il entre assurément un peu d'affectation dans l'enthou- siasme des admirateurs de M. Ingres, les derniers conquis ; un peu de désir d'étonner les profanes en invoquant le peintre des odalisques avec les mêmes mots que Rousseau- le-douanier. Mais comme il arrive assez souvent, c'est lorsqu'on a résolu de trouver une chose bonne ou belle que paraissent, aux regards jusqu'alors insensibles, les raisons de justifier cette passion nouvelle. Et plus elles sont difficiles à trouver, à mettre au jour, plus l'esprit amoureux apporte d'ingéniosité à justifier un engouement volontaire.

Aussi bien ceux qui reçoivent des beaux ouvrages de l'art les impressions les plus fortes et les plus vives, voire les plus délicates, témoignent-ils quelquefois d'une espèce de pudeur, qui fait qu'ils ne savent pas, ou bien qu'ils ne veu- lent pas en étaler le détail, tandis que personne n'éprouve une pareille gêne à l'endroit de sentiments un tant soit peu forcés ou supposés.

Je me demande si le paradoxe de Diderot ne trouve pas à s'appliquer à l'amateur et surtout au critique d'art non moins bien qu'aux comédiens ; la relation véridique d'une impression naïve et sincère offre toujours, en effet, quelque chose de subjectif ; au contraire, une opinion choisie délibé- rément, une position prise par stratégie ou par politique se défendent avec des arguments de raison, forgés à froid, si l'on peut dire, et que chacun est plus volontiers tenté de reprendre à son compte.

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