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NOTES 629

macabre cocasserie, et respirer des roses à l'odeur de cadavre, tendues avec la plus exquise courtoisie par le gentilhomme aux belles mains qu'est André Salmon.

J'ouvris, tout au contraite, un roman contemporain, où l'étude de mœurs voisine avec la fantaisie, le naturalisme, la bouffonnerie, le drame et la caricature, mais où je rencontrai aussi ce fiévreux malaise que l'auteur ne peut nous épargner, et que l'on regretterait comme un opium accoutumé, s'il lui pre- nait l'ambition d'être de « bon goût », de cesser de plaire et de déplaire à la fois — pour plaire tout court. C'est que l'ancien dandysme a son dernier disciple en ce jeune écrivain, qui est un mélange de naturel et de bizarrerie volontaire, qui n'est jamais indifférent en quelque sujet qu'il traite, et qui laissa prendre à d'autres, avec une élégante nonchalance, la couronne de chef d'école traînant sur ses papiers.

J'imagine qu'un critique candide dut défier l'auteur de Ten- dres Canailles et de la Néçrresse du Sacré-Cœur de choisir un autre théâtre que celui des bars de la rue de Bucy ou du Cabaret du Lapin-Agile, et que, pour le satisfaire en apparence, André Sal- mon choisit un cadre provincial à son nouveau roman : cette petite ville qu'il nomme Château-Briard, et qui, à vrai dire, n'est pas très éloignée de Paris. C'est tricher, mais avec une amusante affectation de bonne volonté, et encore qu'il ne serait pas très certain que toutes les petites villes de province pussent retrouver aujourd'hui leur Balzac, leur Flaubert, leur Barbey, leur Chatrian ou leur Pouvillon. L'auteur débute par une nomenclature pittoresque des rues de la ville, et croise un per- sonnage synthétique, habilement amené, M"^ Ricouart de la Fressure, que « l'on dirait un paquet maladroit de hardes, de lainages, de voiles funèbres ; ou un vieux catafalque oublié, rongé des vers et mis en mouvement par l'appétit de ces dévo- rants. » Voilà pour la province de naguère, celle que décrivait encore Huysmans. Mais, déjà écœuré par ce relent de sacristie, André Salmon se félicite de rencontrer une vieille connaissance de Paris, le pharmacien Albert Grivaud, l'ancien ami de la Grande Marcelle, le cambrioleur d'apothicaires de Tendres Canailles. Désormais, n'attendez plus du romancier qu'il vous maintienne dans l'atmosphère « petite-ville », ni qu'il vous con- duise à nouveau dans le Cloaque du Vieux-Chapitre, « au cen-

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