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place, et qui jouent fidèlement leur rôle, ne fût-ce que de préserver le goût d’une époque et de maintenir son orientation. Elles épaulent les productions culminantes, les relient entre elles et au pays environnant, comme une chaîne de montagnes les sommets qui la dominent. On sert donc bien le développement d’un art, on en élève le niveau, on le rend plus intelligible, plus familier et par conséquent plus vivant en appliquant des efforts bien conçus à l’instruction d’une collectivité artistique, en assurant son unité, sa cohésion, sa durée, toutes choses qui sont affaire d’école.

Un véritable enseignement donné par un véritable maître ne produit pas la médiocrité. Il ne vise pas à la fabrication de ces talents artificiels qui fleurissent dans l’atmosphère des salons et des concours académiques. Le contact d’un homme né pour cette noble tâche d’enseigner, qui en a la compétence et la dignité, la confiance qu’il inspire et le respect qu’on lui porte forment les caractères. La vérité esthétique, comme la vérité morale, ordonne les âmes, les fortifie et les élève.

Un enseignement vivant et continu, bien proportionné dans ses parties, s’il est sérieusement donné et reçu, pourvu qu’il s’exerce assez tôt sur l’élève, et même s’il ne s’adresse qu’à des capacités moyennes, produira des résultats auxquels le talent sans guide n’atteint pas, et rendra possible des réalisations artistiques dont notre siècle a perdu même la notion.

L’ALCHIMIE VERBALE

Dans le numéro de juillet des Feuilles Libres, Jules Romains a donné, sur le Symbolisme et sur ses derniers prolongements, d’intéressantes réflexions dont voici l’essentiel :

Le symbolisme a comporté une reconnaissance officielle du verbalisme.

Jusque-là, le verbalisme n’avait été regardé que comme une maladie individuelle du style, propre aux très jeunes gens, ou aux esprits creux, ou encore aux génies fatigués. Il était réservé à la fin du xix^ siècle d’y découvrir sinon la source principale, du moins une des sources de la poésie.

Pour prendre les choses un peu autrement, disons que l’art littéraire avait jusque-là vécu d’un certain équilibre entre la fonction exprimante et la fonction purement sensible ou excitante du langage. Le symbolisme a rompu cet équilibre.

Quand Racine assemble les mots d’un vers, il veut sans doute que ces mots nous fassent plaisir par eux-mêmes, qu’ils soient d’un son agréable, que les matières s’en mélangent bien, et aussi que les images