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724 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

consciemment que les autres hommes, la nature humaine : qu'on croie à la liberté, comme Descartes ou Bergson, au déterminisme comme Spinoza ou Stuart Mill, la philosophie est l'art de faire en soi de la liberté. Il n'est rien que la philosophie démontre mieux que la liberté intérieure, puisqu'elle est cette liberté. — « Perception du monde extérieur ? » Ici encore il n'y a qu'à ouvrir un manuel de psychologie pour voir que c'est un point sur lequel on sait beaucoup, et chaque jour de plus en plus. — « Survie et anéantissement de l'âme après la mort ? » Le philo- sophe fait beaucoup mieux que résoudre ce problème. Il atteint une région où ce problème ne se pose plus. La philosophie, disait Platon, est la préparation à la mort. Il n'est rien, dit Spi- noza, à quoi le sage pense moins qu'à la mort. Deux pensées en apparence contraires et qui signifient la même chose (comme beaucoup de prétendues contradictions des philosophes) à savoir que la philosophie consiste à développer en nous cette intensité et cette clarté de vie intérieure qui excluent l'idée de la mort. Cela s'apprend en plus ou moins de vingt-cinq ans, en tout cas pas aussi rapidement que la loi de Mariotte ou le maniement de la mitrailleuse. — « Destinées originelles et futures de l'homme et de la création ? » Croyez-vous qu'elles soient écrites ou qu'elles aient été écrites quelque part, que cela puisse se trouver un jour tout fait comme une tragédie perdue de Sophocle, ou se recomposer dans un laboratoire comme la S3mthèse de l'albumine ? Le philosophe vous fait précisément comprendre la naïveté et la pauvreté de l'attitude qui croit que la question pourrait être résolue même par une intelligence infiniment plus puissante que la nôtre. Les destinées de l'homme et de la création seront ce que nous les aurons faites, ce que le travail de l'homme et l'effort de la création auront réalisé. C'est un problème d'action, non un problème de connaissance.

Je voudrais faire toucher à M. Vandéreni sur un point plus précis le néant de son Néant ! Sa Vie des Lettres se termine géné- ralement par une indulgente revue dramatique. Il aime le théâ- tre. Il aime y rire. Or le plus éminent de nos philosophes a composé un petit livre charmant et profond, capable d'expliquer à tout homme cultivé les raisons du rire et la nature philoso- phique du comique. Je ne pense pas que M. Vandérem soit assez béotien pour nous dire qu'il ne s'en soucie pas plus que Nicole

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