Page:NRF 17.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

84 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Alors, moi qui vous croyais ! moi qui étais bon ! Vous qui m'aimez, vous m'avez menti ! Il n'y a que ceux qui me dégoûtent qui me disent la vérité ! On se moque de moi, on me parle du crépuscule, on me dit que je suis libre, et après on rit des bêtises qu'on me fait réciter ! Le bon Dieu n'est qu'un cochon ! Ça n'est pas vrai que les enfants sont innocents ! Ils viennent du ciel, c'est bon pour nous ! Et votre sale amour !

Ils rougirent, ils pâlirent. M. Marquis, content de sa perspicacité, souriait de l'œil et de la lèvre. Lucienne pleurait si fort que Victor l'entendit.

— J'ai de la peine ! cria-t-il. Je vous en ferais bien plus si Lucienne n'était pas là. Pourquoi ne m'avez-vous pas dit la vérité ?

Il s'interrompit. Tandis que tous avaient peur, Marceline murmura :

— Parce que Lucienne était là.

Elle k tira par le bras. Il se laissa faire, cachant sa tête sur l'épaule de sa sœur. Père et mère, oncles et tantes, en silence, l'écoutaient. Marceline, sans parler, sans le forcer à parler, l'entraîna à l'intérieur. La porte se referma sur eux.

Ces hommes expérimentés, cette femme tranquille, cette femme tendre se regardèrent au bruit. Eussent-ils mieux fait de se taire ?

— Raisonnons un peu, dit l'oncle Alfred.

��V

��Victor couché, Maceline resta près de son chevet. Il pleurait encore, à petits sanglots qu'il étouffait dans son oreiller. Elle voulut lui parler, mais il lui demanda le silence et lui donna sa main brûlante.

Il s'épuisa, il s'endormit, il fît son premier rêve d'homme.

ALBERT THIERRY

�� �