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NOTES 21^

posé de l'un et de l'autre, qui s'appelle Poète tragique. Non poète auteur de tragédies indépendantes de lui et qui vont après lui leur libre chemin, mais poète dont les tragédies ne sont considérées que comme la figure de son tragique intérieur, les reflets de son jeu intérieur. M. Suarès ne descend pas le fleuve jusqu'à ses bouches, mais il remonte vers la source, et une fois qu'il y est parvenu il y mire un visage que, à chaque page, nous reconnaissons pour le sien. Le mystère où flotie la personne de Shakespeare rend ce procédé facile et permet qu'il porte en toute sûreté ses magnifiques fruits. C'est ainsi que Victor Hugo avait déjà conçu son William Shakespeare, auquel on a raison de rendre aujourd'hui hommage, bien qu'en des termes parfois impropres. Le livre de M. Suarès procède des mêmes direc- tions. Le jour où on écrira sur la critique romantique le grand livre sympathique et clairvoyant auquel elle a droit, on y fera une place aux livres ardents et lyriques où M. Suarès a mêlé, en grand musicien, son âme à celle des héros de l'art et de la pensée. Albert thibaudet

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��LETTRES A SIXTINE, par jRemy de Goiirmont (Mer- cure de France).

Ces lettres, ces notes et ces petits poèmes adressés à celle qui inspira Sixtiiie ne manqueront pas d'attirer la curiosité de tous les 5:élateurs de Gourmont. Ils pourront rapprocher l'aven- ture réelle et l'aventure du roman, observer l'arrangement des faits, marquer les variantes ; et cette lecture mettra en lumière pour eux l'élaboration du fameux « roman de la vie céré- brale ». Ils trouveront sous forme de ballade une nouvelle des- cription de la robe « aux ondulations pourprescentes » et pour- ront comparer les deux morceaux. Ils reconnaîtront dans la correspondance d'amour, fine et tourmentée, le caractère essen- tiel de Gourmont, qui fut toute sa vie dévoré par l'analyse de la sensualité. Ils seront instruits de certaines vues de l'écrivain, en 1887, au sujet de sa carrière : « Quant à cette crainte d'arri- ver trop vite, disait-il, je la crois chimérique. Je puis arriver, à mon âge, sans danger, ne me sentant aucunement dans la voie de la stérilité, au contraire. Puis, une fois arrivé, c'est-à-dire connu, au lieu d'un but général on a des buts particuliers,

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