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266 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dans la nature de ses explications (toujours données par exemples, par du concret, comme chez Voltaire). On ne peut s'empêcher ne songer à tel de ses brillants contemporains qui défend la mesure et la clarté françaises dans un style infiniment plus semblable à celui de Novalis que de La Bruyère. Je pense souvent, à propos de M. Hermant, à ce mot de M. Pierre Lasserre, dans son beau livre sur l'Esprit de la musigue française : « Il faut être Français sans le faire exprès ; c'est la bonne manière. » Et, de fait, M. Hermant ne clame pas, comme d'autres, depuis vingt ans : « Je suis Français ! » ; il l'est. C'est pourquoi on le dit surtout de ces autres.

Au reste, ne félicitons pas à l'excès notre auteur de cette sensibilité au pur intelligible, d'être de ceux qui jamais ne murmurèrent :

l'infini me tourmente.

Là est évidemment la limite de son beau talent : une certaine absence d'inquiétude, d'atmosphère de mystère, une manière d'être peut-être plus statique que dynamique de l'œuvre et de ses héros. Si l'on nomme âme, avec une fameuse philosophie chère à la génération de Rex, une certaine « inquiétude de vie », on pourrait dire que les personnages de M. Hermant, qui ont toujours et en si haut relief un caractère, n'ont pas toujours une âme [1]. En lisant le brillant romancier, je pense souvent que les romantiques ont tout de même apporté quelque chose et me surprendrais parfois à devenir belphégorien — si je ne l'étais déjà. M. Hermant ne s'affectera certes point de ces réserves, car il est en belle compagnie : le procès que je lui fais, c'est celui que Schlegel et Jacobi (en quelle bande me voilà !) ont fait à nos classiques — et Michelet à la Grèce.

Disons bien vite que ne point créer d'atmosphère de mystère n'implique nullement qu'on ne sache atteindre les

  1. I. Compensation à tant d'ouvrages — de dames principalement — où les héros ont de l'âme — que d'âme ! — et point de caractère.