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LA GARDE-MALADE ' . 3'^y

tait, mesuré par son haleine, un bruit caverneux dont le retentissement remplissait la chambre.

Sa main gauche, à la hauteur de son genou, grattait les draps. Sa main droite pendait. L'enfant 1^ saisit, elle était molle et chaude.- Ce contact la rassura, elle retrouva la force de crier :

— Grand-père !

Il ne s'interrompit pas, trop occupé à mourir. L'enfant recommença à pleurer.

— Grand-père ! oh, grand-père !

Elle regarda dans l'effroi ce visage qui pâlissait sous le hâle. Quelques mouvements lents et doux traçaient des rides aux deux côtés du nez et au bord des oreilles. Dans l'effort désespéré du souffle, le cou se gonflait et se creu- sait, le menton s'élevait et s'abaissait, la tête alourdie des- cendait plus livide au milieu de l'oreiller jaune.

Ce travail m^ystérieux, consentement et résistance, inté- ressa Eugénie. Appuyée à la forte main, elle se tint pleine de curiosité et d'horreur.

Quelques instants, le râle s'arrêta ; une respiration égale, courte et douce, vibra, chuchotant l'espérance ; puis il reprit en sourdine, écartant à peine les lèvres violescentes.

— Grand-père ! soupirait l'enfant, grand-père !

Elle sentit qu'il allait mourir. Un remerciement, un conseil ne sortiraient-ils pas de cette bouche tordue ?

— Oh, parle-moi !

Et gémissant ainsi, elle serrait aussi fort qu'elle le pou- vait dans ses deux mains la grande lourde main molle. Mais il ne répondait pas. Son soupir à deux temps allait à peine plus haut que celui d'un homme qui dort...

Les tressaillements de son visage se ralentissaient. Ses doigts sur les draps ne bougeaient plus.

Eugénie s'accota au bois du lit : élevée au-dessus de son âge et de tout âge, elle se soumit à la Loi.

Soudain, le corps du grand-père glissa, ses genoux se plièrent et saillirent, il se tint en plusieurs angles sous la

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