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^28 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

moins un très gros pavé. — « Malheureux, lui dit le Maître, pour frapper cette pécheresse te crois-tu donc sans péché ? • — Non, mais je suis son mari. » M. Beaunier expliquerait à ce forcené — comme le fait à son fils la mère même de François — ■ qu'il n'y a pas de vilaines femmes qui trompent leurs maris, mais des femmes que leur destinée a fait tomber sur des maris nés pour être trompés. On naît encorné comme on naît rôtis- seur. M. Beaunier a fait semblant de punir Suzanne, mais son pavé est en carton : jusqu'à l'extrême-onction le plaisir de- meure autour d'elle comme les roses d'un buisson sacré.

��Si le plaisir ressemble à un buisson de fleurs, épanoui sous le soleil, ces fleurs, comme toutes les plantes, ont un ennemi : les taupes. M. de Miomandre a écrit le roman des Taupes.

Quand on dit d'une femme : C'est une vieille taupe, l'image est plus claire que toute définition. Il y a d'ailleurs de jeunes taupes. Le livre de M. de Miomandre, paraissant à l'époque des lettres anonymes de Tulle, bénéficie d'une certaine actualité. Actuel il se relie tout de même à un ancêtre, le ro- man-t3'pe de la taupe, la Cousine Bette. Dans le charmant pays de joie et de sourire qu'est la Touraine, de jeunes époux réalisent une figure de bonheur aussi agréable à regarder qu'un beau tableau ou un joli paysage. Mais ce bonheur est comme les roses ; il a besoin d'être arrosé, arrosé d'amitiés, arrosé d'argent, il lui faut plonger ses racines dans un sol propice ; et les tau- pes, sous la figure de l'avarice et de l'envie, sont à l'œuvre, les taupes que le plaisir scandalise parce qu'il est le plaisir, et qu'il s'épanouit dans la lumière au-dessus de leur domaine souter- rain. Et alors le rosier se flétrit et les fleurs tombent...

Les Taupes sont donc moins le roman du plaisir que le roman des ennemis du plaisir. Et gardons-nous de le juger avec un esprit taupe, c'est-à-dire aveugle. Loin de moi la pensée de trouver dangereuses et fausses les idées religieuses et morales qui nous mettent en garde contre 1 amour du plaisir et qui contribuent à nous placer dans la divine mesure. Mais la haine du plaisir (la haine qui est un amour trahi) s'appelle du nom des deux sentiments dont M. de Miomandre a animé ses taupes : l'avarice et l'envie. Les cinq autres péchés capitaux s'excusent

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