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JAMES JOYCE 389

pouvons juger, James Joyce présente une peinture tout à lait impartiale, historique, de la situation politique de l'Ir- lande. Si, dans ses livres, les personnages anglais qu'il introduit sont traités en étrangers et quelquefois en enne- mis par ses personnages irlandais, il ne fait nulle part un portrait idéalisé de l'Irlandais. En somme, il ne plaide pas. Cependant, il faut remarquer qu'en écrivant Gens de. Dublin, Portrait de l'Artiste et Ulysse, il a fait autant que tous les héros du nationalisme irlandais pour attirer le respect des intellectuels de tous les pays vers l'Irlande. Son œuvre redonne à l'Irlande, ou plutôt donne à la Jeune Irlande, une physionomie artistique, une identité intellectuelle; elle fait pour l'Irlande ce que l'œuvre d'Ibsen a fait en son temps pour la Norv^ège, celle de Strindberg pour la Suède, celle de Nietzsche pour l'Allemagne de la fin du xix' siècle, et ce que viennent de faire les livres de Gabriel Miro et de Ramôn Gomez de la Serna pour l'Espagne contemporaine. Le fait qu'elle est écrite en anglais ne doit pas nous donner le change : l'anglais est la langue de l'Irlande moderne, comme il est la langue des États-Unis d'Amérique ; ce qui montre combien peu nationale peut être une langue litté- raire. Ecrire de nos jours en Irlandais, — ce serait comme si un auteur français contemporain écrivait en vieux fran- çais. Bref, on peut dire qu'avec l'œuvre de James Joyce, et en particulier avec cet Ulysse qui va bientôt paraître à Paris, l'Irlande fait une rentrée sensationnelle dans la haute littérature européenne.

Je voudrais pouvoir vous parler à' Ulysse dès mainte- nant, mais je crois qu'il vaut mieux suivre l'ordre chrono- logique, et du reste Ulysse, qui est par lui-même un livre difficile, serait presque inexplicable si on ne connaissait pas les ouvrages antérieurs de Joyce. Nous allons donc les examiner l'un après l'autre, dans l'ordre où ils ont été composés et publiés.

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