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comme un mur dans leur dos et une protection contre toute faiblesse. Il se laisserait conduire, indifférent à la route et à l’heure, si M. de Pontaubault ne l’arrêtait au tournant de la digue :

— Mon ami, je me suis emparé de vous, parce que je trouve plaisir à votre conversation, mais il me semble tout à coup que vous n’étiez pas seul. C’est bien vous qui vous teniez sur ce banc, dans un renfoncement du parapet ? Et même (excusez-moi si je suis indiscret) je ne vous avais pas reconnu, mais j’avais bien cru distinguer l’institutrice de mes petits neveux, Mlle  Gassin.

— En effet, hier je l’ai rencontrée au pied de la falaise. Heuland s’est toujours montré pour moi bon camarade. Quand j’ai su que sa famille était ici, j’ai eu la curiosité de voir ses enfants. Je cherchais un prétexte pour m’approcher, quand justement un filet de pêche a perdu son manche…

Tant de détails précis ne font que rendre l’histoire plus suspecte, comme aussitôt d’ailleurs M. de Pontaubault ne manque pas de le lui faire sentir :

— Je vois que les folles mèches de l’institutrice vous ont plus intéressé que les caboches rondes des élèves.

— Oh, mon général, l’impression qu’elle donne est un mélange de franchise et de fausseté qui fait qu’on reste sur ses gardes.

— Eh bien, puisque nous avons le même sentiment, je vous avouerai que je verrais sans déplaisir Mme  Heuland la mettre à la porte. C’est une fille aigrie et prétentieuse. Je ne lui ferai pas grief, puisque c’était à votre profit, de venir causer le soir sur la digue…

Le général prévient la protestation de Vernois :

— Tant qu’à faire, mieux vaut que vous me laissiez vous présenter à ma nièce. J’ai déjà prononcé votre nom devant elle et je sais lui être agréable en vous amenant.

— Vous avouerai-je, mon général, que j’ai failli la faire prier de me recevoir, mais qu’au dernier moment de sots scrupules m’ont arrêté.