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LE CAMARADE INFIDELE - 425

Tout autre que Vernois serait gêné par cette insistance ;. mais il est trop absorbé dans ses propres sentiments :

— Je ne me suis habitué facilement à rien de ce que j'ai retrouvé depuis la guerre, mon général. Cette subordina- tion parfaite que n-ous avions acceptée, on la dégrade à nos propres yeux, quand on manque de respect à ceux qui étaient nos chefs. Si ces gamins font les importants en face d'un homme devant qui je me suis incliné, ils se placent par trop au-dessus de moi.

La vivacité de cette sortie est un hommage assez délicat :

— \'ous m'amusez, mon ami. C'est vous qui n'êtes pas souple !

— Je n'essaie p;-is.

— Et pourquoi donc ?

Nul moins que le général de Pontaubault n'est capable de s'intéresser à la vie intérieure d'autrui. Vernois le sent bien et se dérobe :

— Oh, question de caractère.

Mais, dans le fond, il ne lui déplaît pas que ce cavalier dont il admire la promptitude ait peu souci de ces nuances. Comment Vernois ne se souviendrait-il pas de l'allégresse animale qu'ils ont ressentie certains jours, ses camarades et lui, à se trouver lancés par le général de Pontaubault, comme un cheval enlevé par-dessus l'obstacle ? Il voudrait mettre à profit cet instant de familiarité et cette demi-nuit favorable aux aveux, pour lui faire comprendre sa gratitude. Il cherche un biais :

— Vous rappelez-vous, mon général, ce que vous nous expliquiez dans votre poste de commandement sur l'assou- plissement des volontés ? J'y ai songé bien des fois depuis, dans mes rapports avec mes subordonnés et, plus encore, si je puis dire, dans mes rapports avec moi-même.

Au reste tout, ce soir, l'invite au bien-être, depuis les lambeaux de musique que le vent happe aux baies ouvertes du casino, jusqu'à la présence, contre son épaule, de l'hom'me qui fut si longtemps, pour dix mille soldats.

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