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Page:NRF 18.djvu/463

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— Et une fois que vous étiez tout seul, qu’est-ce que vous avez fait ?

— J’avais un grand frère, plus âgé que moi de quinze ans et qui m’a recueilli. Je l’aimais plus que personne au monde ; mais il avait une femme qui me trouvait de trop dans la maison. Au lieu de me dire du bien de mon père, comme ta mère fait pour toi, elle profitait des moments où nous étions seuls pour glisser quelque méchanceté qui me remplissait de chagrin et de honte… Dis-moi : est-ce que parfois Mlle Gassin vous parle de lui ?

Un brusque assombrissement se fait dans le visage d’Antoine. Il rougit, regarde ses pieds :

— Oh, elle !

— Quoi ? Vous ne l’aimez pas ?

Il s’écrie avec passion :

— C’est une menteuse, une rapporteuse !

— En quoi ment-elle ?

— Elle se donne l’air de tout savoir, mais vite elle regarde dans un livre. Quand elle s’est trompée, elle dit que c’est nous.

La droiture blessée de l’enfant le rend tout tremblant de colère.

— C’est donc elle, demande Vernois, qui vous donne toutes vos leçons ?

— Non, mais c’est pis. Elle nous conduit dans un cours dégoûtant, plein de filles !

Devant le rire amusé qu’il provoque, le petit se décontenance. Il rougit de nouveau ; Vernois sent la confiance à peine éclose qui va se refermer. Il se penche sur l’enfant et doucement lui prend le bras :

— Écoute, mon petit…

Mais Antoine a un mouvement de timidité.

— Écoute, que je te dise : elle me déplaît autant qu’à toi, Mlle Gassin.

Il voit des yeux, d’abord incrédules, qui le scrutent, mais où l’émerveillement peu à peu grandit. Et soudain il sent